Mensonges urbains
Il serait un réel tellement évident que nous refusons de le voir. Cette réalité qui, par essence, est ce que nous sommes pose le problème de notre clairvoyance à l’égard de nous-mêmes. Si nous n’acceptons pas de voir la réalité des choses, comment espérer ne pas stagner dans un mensonge permanent ?
L’expression « Je ne crois que ce que je vois », employé communément pour exprimer une certaine défiance par rapport au réel, s’avère être une illusion redoutable, un paradoxe.
Si l’on ne « veut pas voir la réalité en face », on ne verra que le miroir de sa pensée. Dés lors, toute vision est subjective et on lui préférera le « Je ne vois que ce que je crois ».
Cette notion reste difficile à admettre, le réel étant censé représenter ce que nous possédons ensemble. C’est lui le grand rassembleur, le dénominateur commun, ce qui permet à chacun de se retrouver dans l’autre à travers une perception a priori identique des choses, preuve indiscutable que ce que nous voyons, sentons, entendons constitue notre environnement.
Si chacun se retrouve dans l’autre, n’y a-t-il pas une légitimité à penser que ce sont toujours des yeux par essence subjectifs qui nous obligent à voir cette réalité ? N’y a-t-il pas vertige dans ces conditions, à imaginer l’autre et plus encore, à imaginer la représentation qu’il a de moi ? Quelle réalité s’exprime quand la conscience de moi-même n’est que supposition ?
La réalité telle que nous la percevons dans les « grandes lignes » ne serait qu’une sorte de « fond de roulement », une convention sociale globalisante qui aurait pour principale fonction de garder le lien entre les êtres. Je crois exister, tu crois exister car nous portons le même mensonge. Dois t-on faire l’expérience du mensonge pour voir la réalité « sans fard » ?
A mon humble niveau je me propose de « faire mentir ce mensonge ».
Echafauder des mensonges projetés verticalement serait une façon de « placer sous nos yeux » ce mensonge. Créer des « Mensonges urbains » serait une manière de projeter de façon flagrante sur un mur ce qui n‘est qu’illusion. Les représenter sur un registre monumental, à l’échelle de la ville, là où cette dualité est plus active et partagée, là où le commun est plus tangible qu’ailleurs, ne serait-ce pas un moyen d’ébranler nos certitudes mentales, pour provoquer une brèche dans nos croyances ?
Les réactions sont de l’ordre de l’immédiateté, un éclair, une seconde de chute de repères. (Pour moi, un instant de connivence totale avec le public). Une petite déstabilisation. L’esprit cherche à se rassurer sur la crédibilité de sa perception. « Ouf ! C’est un trompe-l’œil ! Je me suis fait avoir ! » Bon prince je m’amuse à jouer à ce qui est vrai ou faux. A l’image de ces volumes sculptés -qui parfois n’existent pas- et que l’esprit rematérialise. Recréer l’image absente…preuve que l’image de notre réel est un édifice en perpétuelle reconstruction. Il faut absolument que la réalité corresponde à l’image que nous avons d’elle.
Notre cerveau ne cesse d’employer son énergie à combler les brèches d’où le réel pourrait s’échapper. Cette activité mécanique est censée nous prémunir d’une perte totale de repères et, peut-être, d’un risque d’effondrement généralisé?
« Détournement de canebière » Marseille Provence 2013 façade du palais de la Bourse Marseille
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