Anthropomorphisme de l’architecture
Neo rapt architectural façade du Grand Palais printemps 2014
Il est dit que la maison est une représentation symbolique de soi, de notre psyché, comme de notre corps, celui que nous habitons. L’analogie est convaincante : le « ça » comme fondations, le « moi » en façade et le «surmoi »… à la cave ! Nous nous figurons avec un extérieur pour les autres et un intérieur auquel nous avons seuls l’accès. Entre les deux, des cloisons à géométrie variable. Comment matérialiser la membrane si poreuse entre conscient et inconscient ? Quel matériau serait assez isolant pour nous prémunir du traumatisme refoulé ? Le bâti possède des limites que la psyché traverse. Car l’inconscient ne reconnaît ni l’espace ni le temps. Il est, de mon point de vue, holistique, globalisant. En tous cas, il ne se situe pas dans les trois dimensions si implacablement imposées par le soi-disant réel. Il n’aurait donc pas sa place « à la maison » ce qui semble absurde puisqu’il trouve sa nourriture dans les scènes d’enfance familiales. Combien de rêves se déroulant dans des enchainement de pièces, de souvenirs comme des infiltrations de salpêtre au travers de vieux murs humides ? Les différents étages de notre moi sont ainsi explorés, certaines pièces nouvelles apparaissant, d’autres « relayées aux oubliettes ». Ne dit-on pas d’une personnalité qu’elle s’échafaude ? J’ai le sentiment que l’échafaudage est toujours un peu branlant, fait de bric et de broc, que derrière la certitude affichée de la belle façade proprement ravalée, les fondations restent incertaines. Plus loin encore, il arrive qu’on ne laisse aux immeubles que leur façade dite « patrimoniale » et qu’on les vide entièrement de leur intérieur pour les reconstruire sans âme.
Devant l’épreuve du temps, dans leur immense majorité, bâtiments et êtres humains font presque jeu égal. La déliquescence des premiers souvent retardée par la volonté plurigénérationnelle des seconds à les entretenir et les conserver. C’est une partie de nous-mêmes qui meurt quand un bâtiment disparaît.
Un bâtiment qui s’écroule, est tellement émouvant : https://www.youtube.com/watch?v=G_vOosqoYUA, https://www.youtube.com/watch?v=1fO2GrJQeN4, https://www.youtube.com/watch?v=4-uKEmR4e4Y.
Une ruine qui perdure est sans doute une part de nous-mêmes sauvée, une larme que nous versons avec attendrissement.
L’architecture répond à un besoin vital de l’être humain : se représenter. Grâce à elle, il se sent exister. Il entre ainsi de « plein pied » dans une justification du réel, une preuve « taillée dans le marbre » de sa légitimité. L’architecture n’est pas créée par l’homme, elle créé l’homme.
Je propose une « art-chitecture » anthropomorphique qui nous corresponde. Fini la sévérité de nos parallélépipèdes défiant le temps, censés nous projeter dans la postérité ! Vivons un environnement en adéquation avec notre psyché. Acceptons de nous voir autrement : nous ne sommes pas faits que d’angles droits. L’homme-container, l’homme au carré n’est pas encore né. Pourquoi alors nous représenter de manière si figée ?
Créons une architecture de l’immédiateté, de la joie, de la peine et du sentiment pour que demain, un immeuble puisse tomber amoureux d’un autre.
« Neo/Rapt architectural » Grand Palais, Paris 2014
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